Article sans titre
UN LIVRE
Je
suis un livre, fait de quelques centaines de pages, vous me tenez
dans vos mains et allez sans aucun doute commencer ma lecture
rapidement.
Peut être que mon sujet va vous passionner, peut être lirez vous
quelques pages et vous désintéresserez de moi, l’histoire n’étant
pas à la hauteur de vos espérances.
Nous
sommes des millions à exister par la volonté d’un auteur, nous
sommes parmi les plus vieux supports écrits existant, nous
transmettons au travers des ages des récits fantastiques, des romans personnels, des études scientifiques ou autres, nous sommes indispensables à la transmission du savoir aux générations futures et ce n’est pas le numérique qui nous détrôneras.
Vous me tenez entre vos mains mais avez vous une idée du parcours suivit entre le moment ou mon auteur à écrit le premier mot de son récit et celui ou vous avez acheté cet ouvrage chez votre libraire.
C’est pour vous faire découvrir ce parcours initiatique que je vous invite à suivre ma vie.
Les Prémices de ma naissance.
Que serais-je ? Un roman d’aventure, un livre d’espionnage, une
étude scientifique, seul mon auteur pourrait le dire, mais, le sait
il seulement au moment ou il prend la première feuille pour y
apposer mes premiers mots.
Que de chemin devrons nous parcourir lui et moi pour arriver à être
installé à la plus belle place de la librairie qui me vendra à
l’un d’entre vous.
Combien de fois mon auteur reprendra t-il sa plume pour écrire, raturer, effacer, un mot, une ligne, ou un passage entier de son récit, pour
mon plus grand désespoir, car j’aime que les mots qu’il pose sur
mes feuilles le restent, à chaque fois qu’il rature ou gomme j’ai
le sentiment d’être violé dans ma chaire.
C’est vrai que durant toute la période de création de l’ouvrage, nous ne faisons qu’un, mon auteur et moi, nous sommes solidaires l’un de l’autre, complémentaires et indissociables.
Pour parvenir à faire de moi le livre qui fera de lui sa gloire ou sa
fortune, parfois ni l’un ni l’autre, il lui faudra passer par
plusieurs stades et en particulier coucher ses mots sur un cahier ou
des feuilles volantes, il appellera cela son manuscrit, mais moi je
sais que c’est déjà une part de moi qui prend forme, je suis en
gestation.
Le véritable auteur écrira à la main et non sur un PC ou quel
qu’autre support moderne, non le puriste préférera le faire
manuellement, écrivain ne vient il pas d’écrire ?
Je ne suis pas encore né que je peux imaginer l’angoisse qu’il
ressent devant sa page vierge, ;
D’abord choisir mon titre, certes cela n’est pas indispensable dès le
début mais de ce titre dépendra la trame de son récit, même si au
fil de l’écriture ce titre initial peut en cour de route ou, en
fin de travail, être tout autre que celui choisi .
Le titre choisi il lui faut constituer la trame de son roman, si c’est
un roman, ou de son étude, si c’est une étude ou un autre type
d’ouvrage.
Pour écrire un roman plusieurs possibilités s’ouvrent à lui, faire
galoper son imagination et écrire en fonction de ses humeurs en
prenant bien soin de rester cohérent dans la progression de son
récit, ou bien se documenter pour situer le lieu et les personnages.
Pour une étude scientifique, mon auteur fera initialement un gros travail
de recherche personnelle, bibliothèques, magazines, documents etc...
Pour
un récit autobiographique, seul ses souvenirs lui seront utiles et
pour peu que sa mémoire ne lui fasse pas défaut, le résultat
devrait être prometteur.
Parfois il rassemblera des poèmes écrits et égrenés au fil des années et les réunira en un recueil pour son plaisir et celui de ses proches.
Mais de tout cela sortira un travail fait avec épuisement, ténacité,
courage, déception, entrain ou lassitude, mais une fois réalisé ce
livre sera pour nous notre plus belle réussite.
La genèse :
Des picotements me parcourent au moment ou mon auteur s’assied à sa table de travail et prend sa plume, je suis à l’affût de ses
moindres gestes, je suis suspendu à cette fine pointe de bic ou de
crayon à papier, dans l’attente des mes premiers mots. Il reste
pensif comme pour chercher l’inspiration qui lui permettra de poser
avec justesse la bonne phrase de démarrage au moment opportun.
Il ouvre son cahier d’écolier sur lequel il compte jeter pèle mêle
ses phrases faites de ses mots, soudain il pose sa main sur le papier tenant serré sa plume et commence à écrire, je suis aux anges, nous avançons dans la même direction, nos destins sont liés à ce moment précis ou les premiers mots apparaissent formant les base de
son récit .
Sa main se fait caressante sur la feuille, presque amoureuse, je ne
donnerais pas ma place pour un prix littéraire, ou une dédicace de
grand style.
Je fais mes premiers pas, je m’ouvre à une nouvelle vie moi qui
n’étais encore il n’y a pas si longtemps que la composante qu’un
bel arbre ornant nos forets verdoyantes.
Transformé par la main des hommes et la volonté d’un système dévoreur de bois je suis devenu papier et cette mutation à fait de moi un tout autre être,
Mais revenons à mon auteur qui ne prend pas le temps de m’attendre ni de m’écouter disserter sur ma condition personnelle, il écrit, la machine est lancée et le fil de son roman bien cerné. Il avance en noircissant mes pages, parfois il ajoute un signe particulier dont lui seul connaît la signification, ce sont ses repaires me dit il, cela doit me suffire, et il faut bien que je m en contente.
L’histoire est en marche, elle sera sa réussite, son chef d’œuvre, il en est certain, il décrochera, peut être un prix, n’ose pas rêver au
Goncourt ou au Médicis, mais qui sait !
Moi je suis patient, je reste attentif à ses émotions car je sais quant
il est fatigué, quant l’inspiration se tarie, quant il est agacé
ou dérangé, je connais tout de lui comme il connaît tout de moi.
Nous sommes engagés ensemble dans une course marathonienne qui doit nous amener au nirvana, pour cela nous devons être solidaires et tenaces.
Des instants de doutes
Nous avons parcourus quelques centaines de pages, lui écrivant, moi recevant délicatement ses mots. Nous sommes en bonne voie pour tenir nos délais imposés par nous même. Soudain c’est l’accident, la panne, rien ne veut sortir de ce lamentable stylo, non pas qu’il n’est plus d’encre mais la main de mon auteur est inerte, il a le regard vague, perdu dans des pensées éloignées de son roman, il est incapable d’aller plus loin, incapable d’ajouter des mots aux
mots, il lui est impossible de se concentrer.
Je crains le pire pour notre avenir commun. Je tente, aidé en cela par la bise légère qui entre par la fenêtre ouverte, de soulever un
coin de ma feuille pour lui rappeler ma présence, mais rien n’y
fait, plus grave il se lève de sa chaise et va s’installer dans un
vaste fauteuil pour y bourrer une pipe malodorante qu’il aime par
dessus tout.
Je suis effondré, que deviendrons nous si cette crise dure longtemps, avant d’exister pleinement je risque d’être mort né, Envolés nos rêve de gloire et de splendeur, je ne serai pas le successeur de mon collègue écrit par Houelbeque .
Je resterai un roman inachevé, prémisse d’une histoire forte jamais
menée à terme en raison de la lassitude de mon auteur. Adieu veau, vaches, cochon, couvée, (j’ai lu ça chez un auteur ancien alors je m’en sert), la belle aventure est terminée, jamais je ne me
verrai trônant fièrement dans la vitrine d’une librairie prestigieuse sous le regard ébahi des passants attiré par les éloges fait par la presse au moment de ma parution.
Je commence alors une longue période de somnolence avec le secret espoir que mon auteur va se reprendre et continuer enfin son récit.
Je dois vite déchanter, il reste prostré allant de son lit au fauteuil, fumant sans relâche sa satanée bouffarde ne rompant sa monotonie qu’en caressant son magnifique chat persan qui répond au doux nom d’Isis. Lui seul a le droit de passer des heures sur ses genoux, moi je suis oublié, négligemment posé sur sa table de travail, oublié, inexistant, inutile.Je me meurt lentement.
Les jours passent, les semaines aussi, des amis viennent le voir pour l’aider à surmonter cette crise qu’ils espèrent passagère, puis un soir ils arrivent à le convaincre de sortir avec eux, de changer d’air, un peu contraint il accepte enfin et son atelier d’écriture devient encore plus sombre sans lui.
Isis son chat est relégué au même rang que moi, il est seul,
désespérant seul, mais pas plus que moi inerte posé sur cette
maudite table de travail qui ne l’attire plus, se souvient il encore avoir commencer un livre ? J’en doute !
Heureusement le dieu des livre veille sur moi, avec la complicité du dieu des félins, tous deux ont donc décidés de liguer leurs forces pour faire aboutir le projet de mon auteur fusse contre son gré. Isis qui se sent de plus en plus délaissé à pris l’habitude depuis
quelques jours de se coucher sur moi, il me tient chaude et j’adore
écouter son ronronnement de plaisir ; Cela fait plusieurs jours
que mon auteur sort de son domicile et rentre de plus en plus gai,
une odeur de plus en plus familière de femme élégante flotte dans
la maison à chacun de ses retours. C’est il me paraît une bonne
chose, mais pour que tout soit parfait il faut un petit coup de pouce
du destin. C’est Isis qui le donnera un soir juste avant que mon
auteur ne rentre chez nous, d’un mouvement souple il s’étire
lentement et tends ses pattes loin devant lui, puis il se lève et
quitte mon dos pour s’étirer une nouvelle fois en me poussant
délicatement, posé au bord de la table je ne tarde pas à chuter
par terre et reste ouvert à la dernière page écrite. Le temps
passe, tard dans la soirée j’entends mon auteur ouvrir la porte et
le vois pénétrer dans le logement en compagnie d’une ravissante
femme dont je reconnais immédiatement le parfum. C’était donc
l’amour qui le rendait gai.
En entrant leurs yeux tombèrent sur moi et la jeune femme s’écria :
« ha voici enfin ce fameux manuscrit ».
Mon auteur se penchant pour me ramasser lui promis de le terminer pour elle, j’étais aux anges et me prit à nouveau à rêver dans l’attente de cette renaissance.
Un nouveau départ
Les choses étaient donc rentrée dans l’ordre logique qui était
prévu, désormais tous les matins mon auteur s’asseyait à sa
table de travail et écrivait pour mon plus grand plaisir, mots après
mots, phrases après phrases, le récit prenait forme, il l’avait
quelque peu modifié en raison de sa fortune nouvelle apportée par
son amour naissant
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